Serions-nous en définitive « Seuls dans l’Univers », comme le suggère l’astrophysicien et spécialiste du système solaire Jean-Pierre Bibring en titre d’un récent ouvrage très documenté et particulièrement convaincant paru chez Odile Jacob, dans lequel il questionne le concept de pluralité des mondes habités ? Un concept fort ancien, apparu avec les atomistes grecs du Ve siècle avant notre ère. Pour ces derniers en effet, les mêmes causes (qui ont abouti à l’apparition de la vie sur Terre) devaient, ailleurs, produire les mêmes effets : la vie a dès lors été considérée au cours de l’histoire comme un phénomène commun dans le cosmos.
Seuls dans l’univers !
Dans « Seuls dans l’Univers », fort des connaissances acquises lors des diverses missions spatiales sur Titan, Mars, Vénus ou la comète “Tchouri” – missions pour lesquelles il a exercé diverses responsabilités de premier plan –, Jean-Pierre Bibring pointe le rôle du hasard dans l’apparition de la vie sur Terre, via une successions de contingences toutes plus improbables les unes que les autres.
Ainsi, par exemple, peu après la formation du système solaire, c’est à un type de collision très spécifique, celle de Théia – une protoplanète de la taille de Mars – avec la Terre que l’on doit la formation de la Lune, grâce à l’accrétion des matériaux issus de ce choc. Or, notre satellite naturel assure comme l’on sait la stabilité de la planète sur son axe de rotation, d’où les saisons et leur rôle dans le cycle de la vie sur Terre.
La formation du champ magnétique terrestre, la tectonique des plaques (dérive des continents), l’apparition de l’atmosphère et d’une eau, non seulement à l’état liquide, mais surtout stable et située à la surface du globe – tous phénomènes indispensables à la vie sur Terre –, sont également des conséquences de cette collision primitive. Cette dernière eût-elle été un tant soit peu différente, avec un autre rapport de masse entre les deux corps ou un autre type de choc (frontal ou tangentiel), alors les débris ne se seraient pas satellisés – ou l’ensemble aurait totalement explosé –, et nous ne serions pas là pour en parler…
On pourrait multiplier les exemples de telles contingences. S’agissant du système solaire, il est lui-même très spécifique, puisque suite à une évolution très particulière de son histoire, il est le seul à avoir su préserver des planètes telluriques, devenues pérennes…
Pluralité vs diversité
S’il est exact qu’en théorie les mêmes causes produisent les mêmes effets, il s’avère qu’en réalité on ne retrouve jamais les mêmes causes, précisément pour des raisons de contingences. Autrement dit, si les processus sont génériques, ils prennent par contingences une infinie diversité de formes.
L’analogie avec les êtres humains permet de mieux comprendre le propos de l’auteur : bien qu’au nombre de huit milliards, aucun individu n’est identique, et n’a le même parcours de vie qu’un autre (ce dont personne ne s’étonne). Huit milliards, c’est peut-être aussi l’ordre de grandeur du nombre de planètes dans la galaxie.
Or, l’ancien concept de pluralité fait place aujourd’hui à l’idée de diversité des mondes – c’est le nouveau paradigme naissant. Diversité des êtres humains donc, comme des planètes ou des lunes de Jupiter, des exo-planètes ou des systèmes stellaires.
Tous différents : les mêmes successions de contingences, de phénomènes imprévisibles ne se répètent jamais, ni sur Terre, ni dans le cosmos.
Poursuivant son propos, l’auteur développe une pensée novatrice sur les notions d’inerte et de vivant, d’infini, et montre comment notre mode de pensée binaire nous empêche d’appréhender le monde tel qu’il est (et a dû être).
En conclusion, pour Jean-Pierre Bibring : « La Terre est devenue unique, par la connaissance approfondie qu’on en a acquise. Il ne peut plus y avoir, ailleurs, d’autre Terre ».
Non seulement la Terre est unique, mais la vie sur Terre l’est également. Cette dernière serait la forme particulièrement sophistiquée de la chimie du carbone telle qu’elle s’est développée sur Terre, intimement liée à notre planète.
Une réponse au paradoxe de Fermi
Au terme de cet ouvrage aux conséquences vertigineuses, le lecteur obtiendra pour la première fois des éléments de réponse véritablement argumentés au « paradoxe de Fermi » (dont le terme et la problématique sont pourtant absents du livre) : si les extraterrestres ne viennent pas nous visiter, c’est pour la bonne raison qu’ils n’existent pas ! Et s’ils n’existent pas, il se confirme que dans son imaginaire, l’homme a bien créé l’extraterrestre à son image. À l’image de l’homme occidental.
Notre image : Couverture de “Seuls dans l’Univers. De la diversité des mondes à l’unicité de la vie” de Jean-Pierre Bibring, Odile Jacob, 2022, 237 p., 23,90 €
Crédit article : © Yves Bosson
Ce dernier, responsable du réchauffement climatique et de l’écocide planétaire saura-t-il prendre rapidement conscience que la vie telle que nous la connaissons est consubstantielle à la Terre et qu’il est désormais… seul dans l’univers à pouvoir la préserver ?
Portfolio : les extraterrestres de nos imaginaires
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